Le châtiment des trépassés
Le châtiment des trépassés
Voici qu'à ma porte, elle vient :
L'heure du repentir et des soupirs ;
Insidieusement, l'ombre revient
Anéantir mes rêves et mes désirs.
Je m'attarde à regarder la mer
Submerger mon promontoire ;
Son écume a le goût de l'amer,
Son reflux est un supplice expiatoire.
Et l'heure sonne l'au-delà éternel
D'une existence au repos illusoire ;
Je pars avec un vœu solennel :
Libérer mon âme au Purgatoire.
Alors, je prends cette route sans fin
Qui mène au Paradis ou à l'Enfer ;
Tu es loin de moi, mais j'expie enfin
Mes fautes d'un châtiment très cher.
Les Démons sont là pour me punir,
Traînant avec eux de vils corbeaux ;
Et s'ils rapportent ton souvenir,
J'y nouerai ma chair en lambeaux !
En retard pour l'amour...
En retard pour l'amour...
Mais voila dans mon pauvre corps abandonné, ce qui fut :
Des relents d’amour perdu se diffusent dans mes veines
Au sang froid, d’une perfusion électrique et glaciale, nue,
Sans âme, distillant un poison mortel qui coule sans peine.
Tu peux oublier le passé, le présent, nier le futur,
Contredire tes sens et ta parole, t’immoler au feu
D’une passion qui se meurt ; te protéger d’une armure,
Afin que rien n’entrave jamais tes projets, tes vœux.
Car je suis avec toi, opérant cette funeste décision,
Qui me coûte plus qu’à toi ; douloureuse mais nécessaire
Dissection irrévocable, provoquant cette lésion
Du cœur, de l’âme et s’infiltrant jusque dans nos chairs.
Si j’avais su m’éviter cet amour, irréel et sans espoir,
J’aurais moins souffert de cette mutilation infernale
Effaçant les souvenirs, troublant la mémoire ;
Et sans l'empêcher, tu en as initié l’issue fatale.
Tu peux croire en cette malédiction triste et inéluctable
Qu’à l’horloge de nos vies, il y aura toujours ce retard.
Comme toi je me terre dans une tour d’ivoire inébranlable
Où tout se fane, se perd, dans un funeste jour blafard.
Voici que tu te retrouves dans un gracieux abandon
Sublimant ton existence, rêvant tes folles espérances ;
Tu as resserré ton espace avec moi en toile de fond
Dont tu ressentiras pour toujours de l'attirance.
Quand le Soleil s'éteindra
Quand le Soleil s'éteindra
Il y a dans ma sombre sphère
Une parenthèse enchantée :
L'éclat d'une âme diamantée,
Son orgueil et sa pose altière.
Seule dans le néant, elle éclaire
Sans ciller, mon esprit tortueux
Et en purifie le dédale sinueux
D'une flamme droite et claire,
Plus précieuse que de l'or,
Plus éternelle que les immortels ;
Si je survis parmi les mortels,
L'Amour perpétuera ce trésor.
Mais quand ce Soleil s'éteindra
Et sacrifiera mon corps sclérosé,
J'éparpillerai mon cœur nécrosé
Dans l'ombre qu'il engendrera.
Papillons noirs
Papillons noirs
Ah ! Croire que je n'adore pas ma vie !
Un vrai périple digne d'un road-movie,
Au cours jalonné d'abrutissants couloirs
Où voltigent de charmants papillons noirs.
Les jours s'enchaînent, indéfinissables
Comme de vagues denrées périssables :
Sans odeur, sans goût, dotés d'artifices
Envahissant lentement tous mes orifices.
Mais quelle existence sublime, après tout !
Une atmosphère visqueuse fuyant partout,
Avec pour ivresse le spectacle grandiose
D'une agonie qui s'achève en apothéose.
Cette mort glorifiée par des louanges,
Je la veux bercée par les voix des Anges ;
Mais leurs clameurs répandent sans fin :
Que sommes-nous censés faire, enfin ?
Le parfum des roses
Le parfum des roses
Quand la lune s'arrondit et me soumet à sa beauté
Je vois tes rivages à la clarté de sa rondeur divine ;
Et, lorsque sur ta peau nacrée la lumière s'incline
Tu resplendis et me conquiers par ta souveraineté.
Ton corps nu retient la tiédeur de ce glorieux été
Attirant avec malice la ferveur d'une langue mutine ;
Ce qui se révèle a la rareté d'une fleur sans épine :
Nos douces caresses ancrées sur l'astre argenté.
Alors cette fleur, s'ouvrant pour toi en royale corole,
Reçoit ton baiser en son cœur carminé, et son auréole
Comme une rose, se mue en un tendre bouton satiné.
Tout cela m'évoque la paresse d'anciennes colonies,
Des voyages mystérieux auprès d'un amant obstiné
Voguant sur des mers inviolées, aux richesses infinies.
L'ami
L'ami
Ces longs adieux aux soupirs funèbres,
De ceux qui rendent les morts célèbres
Avec toute la vanité de notables vertueux,
J'en fuis désormais les apanages fastueux.
En proie facile, et sensible aux discours
Inspirés d'un esthète, je cède aux amours
Libres et abstraites ; Leurs substances
Empruntent la beauté des folles romances.
Ce lien se pare de charmes complexes
Qui réinventent la dualité des sexes ;
Et je découvre l'éternité du diamant :
Un lierre s'agrippant à mon cœur aimant.
Plus d'adieux ! Leur chant monocorde
Agonise aux portes d'une belle concorde ;
Et, portée aux nues par mon âme étonnée
Je la reçois comme une étrange destinée.
Mon cœur est un désert
Mon cœur est un désert
Mon cœur est un désert de rocs et de glaces :
L'Amour pur s'évapore sur cette surface aride
En un long et mortel ennui que rien ne déride,
Ni les tendres pensées, ni les baisers fugaces.
Ces jours crus en accentuent les craquelures
Par un ardent Soleil qui, tel un soupirant loyal,
Irradie fièrement mon être de son éclat royal
Hélas ! Sans m'épargner d'intenses brûlures.
Mon cœur est un pays déserté par les hommes :
Les nuits sans lune voilent la troublante cruauté
De ses remparts figés, et une mystérieuse beauté
Y survit avec l'unique espoir d'éternels sommes.
Dans ma vie usée de n'avoir pas vécu, je touche
En esprit celui qui dissout ma folie et je poursuis
L'ultime envie qu'il me prenne comme je suis :
L'exotisme d'une Terre inconquise et farouche.
Lune blanche
Lune Blanche
Dans le matin calme des langueurs anciennes
Il y a l'onde pure de mes rêveries quotidiennes ;
Et, quand la Lune pâlit sous l'éclat d'or du Soleil
Je m'éternise, lascivement, dans un demi-sommeil.
Cet étrange matin a la beauté d'une Vénus pâle,
Une aube timide de vierge à la fraîcheur boréale ;
Son sang pur se répand en rivière torrentielle
Pour augurer une verte renaissance existentielle.
Ainsi apaisé dans ce voluptueux bonheur solitaire
Mon cœur décadenassé imagine un amour salutaire :
La douce vertu du don artificiel de mes jours irisés
Qui console mon âme, tel l'effluve des alcools anisés.
Un silence amoureux, où la quiétude s'immortalise
M'ancre pour toujours à son esprit qui me vitalise ;
Ce silence ! Ultime plaisir avant que je le retrouve
Comme chaque nuit, dans ce cocon où il me trouve.
Paradis extatique
Paradis extatique
Dans cette forêt que je hais, aux créatures hostiles
Elle m'accompagne, belle comme la nuit, silencieuse ;
Ses noirs attraits m'attirent et son ombre pernicieuse
Me fait errer sans fin parmi ces terres infertiles.
D'en haut, son œil sarcastique guette ma déchéance
Et son empreinte nébuleuse fixe durement une envie :
M'unir, si Elle accepte, à l'extase perpétuelle de sa vie
Et que mon cœur en ruine survive à cette alliance.
Comme Elle m'aime, je l'aime aussi et accepte en don
L'aveu de ses faveurs, une tiare ornée d'un diamant noir
Reflétant le sel de ma mémoire dilué dans un ostensoir ;
Pour m'emprisonner Elle m'offre son plus beau pardon !
Alors toi ! Dans ton habit de neige au blanc uniforme
Entraîné dans le cortège qui consacre ce vœu nuptial,
Tu n'oublies pas ce jour où, gravée sur un mémorial
Je m'affranchis pour toujours d'une réalité difforme.
Fleurs amères
Fleurs amères
Amour ! Comme la haine, tu défies les Hommes !
Viles folies que les cœurs des mortels alimentent ;
De ton appétit féroce et insatiable tu consommes
La substance profonde de ce que nous sommes :
Poussières fines d'astres morts qui se lamentent.
Amour ! Tu verses sur le Monde des larmes salées
Tantôt bleues, tantôt vertes, au goût parfois immoral ;
Quantités de merveilles stupéfient nos âmes mêlées
Exposées aux vents furieux de tes Beautés adulées
Dont la plus étrange se répand tel un spectre viral.
D'un mal contagieux, tu fais une allégorie du Bonheur
Flottant dans l'eau boueuse d'un torrent d'amertume ;
Celui qui ose, en fou cynique, s'imaginer éternel rêveur
Tu jettes à ses pieds un cadeau dont il voit l'horreur :
Des roses aux fines épines qui en font jaillir l'écume.
Aux lieux où tu paresses pour mieux nous observer :
Terres d'illusions, tu chantes des litanies maudites ;
Et ces berceuses lancinantes, pour nous achever
Se dotent de chaînes dorées, prêtes à nous entraver
D'une mélodie sonnant le glas de nos joies interdites.