Amour
Amour
C'est ainsi chaque soir, je me souviens de nous :
Je revois dans tes yeux plus brillants que la lune
L'expression d'un amour, dans une foi commune,
Harmoniser - en secret - nos vœux les plus fous
Amour ! Amour ! Ce mot généreux et troublant
Aussi doux que ton nom et plus frais qu'une rose
Mêle dans nos cœurs - qu'une fine pluie arrose -
Nos joies ordinaires à la magie de l'instant
Car aux attraits de l'or, des perles et du satin,
Tout un luxe qui rendent nos poses lascives,
Je préfère les charmes de nos amours vives :
Blanches liqueurs nous enivrant jusqu'au matin
Quand les feux du soleil surprennent notre amour,
Plus que jamais, entre tes bras, je suis vivante
Et je m'enroule autour de toi comme une plante :
La promesse de nous aimer jour après jour.
Dissolution
Dissolution
Je ne distingue dans ces jours las
Que l'hiver se prétendant l'été
Et qui repousse très loin en bas
Ce qu'il nous reste de ciel bleuté
Et le ciel à présent délité
- Reflet de notre monde d'en bas -
Dissout, par de longues pluies d'été,
Les plaies ouvertes de nos cœurs las.
Méandres
Toujours, à minuit, mille légions de chimères
Éparpillent ses baisers au vent de l'ennui,
Des "je t'aime" éculés aux saveurs douces-amères
Qu'il me plaît d'écouter pour rester avec Lui
Ces faveurs consenties pour calmer ma tristesse
Ont le charme des paradis artificiels,
Ces feux éphémères que procure l'ivresse
Où je crois voir un monde rempli d'arcs-en-ciel
Mais nos paroles s'épuisent ; le Temps se lasse
D'espérer en vain de sincères affections
Et seul un vide subsiste quand l'amour passe
Pour ne laisser au cœur que : pleurs et privations
Ainsi serpentent nos âmes célibataires,
Éternels méandres sans joie ni avenir
Dans les jeux pervers et les plaisirs solitaires
Qui nous consument de n'en pas vouloir finir !
C'était Hyères
C'était Hyères
Toujours un visage vient hanter ma mémoire
Et je revois alors comme si c'était hier,
Sous le feu du soleil au sommet de sa gloire :
Toi, près de moi, qui m'apparaît solide et fier
Enfin seuls au monde, nous suivons le rivage !
Tes baisers sur mes joues ont la douceur de l'air
Et face à la mer mon esprit prend le large
- Grisé d'amour, de vent et du goût de ta chair -
Quand la nuit s'étend derrière la porte close
Tu me couvres de fleurs qui promettent l'amour ;
Parfums de lavande, mimosa, laurier rose
Aux tiens se mêlant jusqu'à la pointe du jour
Puisque chaque heure me rappelle tes tendresses
J'aimerais que revienne ce tendre printemps
Pour toujours, par la magie de nos caresses
Oublier que, bien trop vite, passe le temps !
Et si des larmes parfois baignent mes paupières,
Je t'aime encore ici comme si c'était Hyères.
Tout de blanc vêtu
Tout de blanc vêtu
La lune, à l'aube, ôte son habit virginal
Puis, sans mourir encore, son ombre décline
Quand, peu à peu, sur la vaste plaine argentine
Éclate allègrement le soleil hivernal
Louant le ciel et sa pureté de cristal,
Une pie au plumage noir que l'on devine,
Offre au monde ébloui sa fraîche voix mutine
Pour célébrer l'angélus d'un chant amical
Cette angélique mélodie, au loin, résonne
Tel un chœur d'église qui, chaque jour, entonne
Une litanie emplissant l'espace clair
Et ce décor ouaté, que la neige embrasse,
Évoque un Paradis blanc qui flotte dans l'air ;
Secrètement, on dirait un ange qui passe.
L'évaporée
L'évaporée
Je ne sais pourquoi, lorsque tout s'endort,
J'aperçois en rêve nos vies orphelines
Tomber d'un arbre aux profondes racines :
Les restes effeuillés d'un idéal mort !
Ton souvenir, aussi doré qu'une prison,
Cogne à mon cerveau comme à une porte
Consumant lentement ce que la fièvre emporte :
Les dernières étincelles de ma raison
Alors que je sombre dans un flot de douleurs
Charriant avec lui toute une ère de mensonges,
Celui que j'espérais, chaque nuit, dans mes songes
Obstinément orne mes jours de tendres couleurs
Quand Mai revient et donne vie à nos amours
Je m'égaye sous l'éclat d'un soleil d'ambre ;
Le soir, Hélas ! dans l'intimité de la chambre,
C'est ton ombre qui m'habite encore et toujours
Ici, pourtant, où mes yeux surplombent la mer
Qui mêle ses embruns au sel de mes larmes,
De ta sphère je m'évapore vers d'autres charmes
Et pardonne ce silence tellement amer !
Tu restes celui que mon cœur, longtemps, aima !
Mais bien loin de cet amour en demi-teinte,
La nuit ravive, à la faveur d'une étreinte
Les plaisirs familiers d'Antoine et Emma.
Ivresse
Ivresse
J'entre en un lieu aux volets entrouverts,
Une chambre mi-close où je me risque
A devenir - telle une fille, une odalisque -
Une âme perdue au fond de tes yeux verts
La lune dévoile sans en avoir l'air
Derrière l'artifice d'une brume anisée
Ce piège qui rend toute femme : apprivoisée,
Et qui visite tous les pores de ma chair
Tes baisers grisants comme une liqueur
Révèlent alors à mon corps fébrile
Ton cœur amoureux - quoique versatile -
Non dans un cri mais un rire vainqueur
Pourtant, tout ce luxe fait pour charmer
Ne cache rien de la peur qui me hante
Quand tu murmures d'une voix caressante :
Quitte à mourir, autant mourir d'aimer !
Tu m'aimeras, au déclin du jour
Tu m'aimeras, au déclin du jour
Je resterai ici, dans l'éternité du soir,
Belle et froide - comme le jour qui s'enfuit,
Et tu m'aimeras ainsi - apprivoisant la nuit -
Plus resplendissante qu'un ostensoir.
Si le sombre Hiver ne m'achève pas avant,
Pourrai-je faire de toi mon éternel amant ?
Comme dans un rêve : t'enlever, t'aimer,
Et t'enivrer de baisers - sans t'abîmer.
Dans tes bras, en attendant le Printemps,
J'oublierai les blessures du Temps,
A jamais prisonnière de ta lumière dorée
Tant qu'à tes yeux je resterai : ton adorée.
Sous le ciel luisant comme un ostensoir,
Tu m'épouseras dans ce jour en déclin,
Délivrés d'un monde qui se meurt enfin :
Il n'y a pas d'amour sans l'éternité du soir !
Après la pluie
Après la pluie
Tandis que passent les heures monotones
Entre des murs où j'attends de mourir,
Un ciel livide s'agite, exhume un souvenir
Lointain - et pourtant familier : les cyclones !
Le vent sème au loin des feuilles mortes
Dans le va et vient d'un monde ordinaire ;
Et cet air connu - plusieurs fois millénaire :
C'est la pluie battante qui frappe à nos portes.
J'aime entendre son rythme continu
S'accorder cycliquement à ton âme lascive,
Lorsque mon sang - telle une eau vive -
Va répandre ses flots sur ton corps nu.
Ils reviennent, alors, ces lourds silences
Enterrer les vestiges de nos crimes ;
Mais nulle lumière ne remonte des abîmes
Où règne encore un tourbillon de violences.
Et je sens, de la terre froide et humide,
Comme des parfums longtemps enfermés,
D'anciens fantômes maladroitement aimés
Altérer l'ambiance de ma chambre vide.
On dirait, cependant, que tu n'aimes que moi
Quand tu déposes - en homme heureux -
Un arc-en-ciel sur mon cœur amoureux :
La rareté d'un lien qui m'attache à toi.
Nos amours vives
Nos amours vives
Quand, magnifiquement, je surgis du néant
Parée des attraits d'une femme légère,
Et que les artifices de ton corps brûlant
M'hypnotisent grâce à ton habileté d'amant,
Au pouvoir de ton sexe, je deviens prisonnière.
Tout le sang de mes veines, en une seule fois,
Se déverse d'un océan jusque-là silencieux
Sur une Terre desséchée depuis des mois,
Ravivant le feu d'un amour auquel je crois
Et qui se dilate au fond de ton œil luxurieux.
La nuit venue - mâtinée de pourpre et d'or,
Dans une chambre au doux parfum de rose,
Tu expérimentes la conquête d'un trésor
Derrière un voile tendu comme un décor
Éthéré ; mais stigmatisé, il s'anamorphose.
Et, sous les étoiles de nos Paradis électriques,
Tu juxtaposes nos cœurs qui s'harmonisent
Aux chants ultimes des plaisirs érotiques,
Pour réapprivoiser nos complaintes lyriques
Qui meurent et, lentement, se déshumanisent.